Photos John Cale @ La Maroquinerie 2011
Ce n’est pas tous les jours qu’un monument de l’Histoire du rock vient se produire à Paris. Et quand cette institution se propose de jouer dans une petite salle comme la Maroquinerie, et que la star en question se nomme John Cale, co-fondateur avec Lou Reed du mythique Velvet Underground, alors la soirée annoncée confine à l’événement qu’il ne faudrait rater pour rien au monde.
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Après près de 50 ans d’une carrière bien remplie, John Cale n’a plus rien à prouver, et il le sait. Pas de show à l’Américaine prévu pour ce soir, mais simplement du rock’n’roll, pur et dur. Et la foule compacte qui engorge littéralement la petite fosse de la Maroquinerie ne s’y trompe pas. C’est un public de connaisseurs qui a fait le déplacement, et ce n’est donc pas un hasard si, parmi les premiers rangs, on remarque par exemple la présence d’un Daniel Darc venu savourer l’instant entre amis.
Le timbre profond de John Cale prend tout de suite aux tripes
Les lumières s’éteignent, et un son à la fois lancinant et totalement distordu remplit pendant plusieurs minutes la salle qui retient son souffle, histoire de rappeler à tous qu’en plus d’être une icône du rock, John Cale a toujours été un apôtre de l’expérimentation acoustique la plus avant-gardiste. Mais c’est finalement avec une grande simplicité (de celle qui n’appartient qu’aux très grands) que John Cale a décidé de faire son apparition ce soir. Guitare sèche puis claviers pour lui, tout naturellement accompagné par le trio gagnant du rock : guitare / basse / batterie. Ses trois musiciens sont jeunes, et l’on se dit qu’ils doivent être forcement très talentueux pour avoir réussi à obtenir le privilège de jouer aux côtés d’un monstre sacré comme John Cale.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne va pas être déçu. Une longue intro, planante à souhait, sur laquelle une guitare électrique incruste un motif aérien qui peu à peu se fait de plus en plus plaintif, puis une courte pause (ce qui donne l’occasion à la Maroquinerie de manifester son enthousiasme) et le morceau bascule tout en douceur vers un impeccable Captain Hook sur lequel le timbre profond de John Cale prend tout de suite aux tripes. Un grand moment, déjà.
Dans cette ambiance de club de jazz, la proximité des spectateurs renforce ce lien tangible qui se crée entre le groupe et son public, presque recueilli, et savourant l’instant en silence. Mais John Cale ne tombe pas dans l’autosatisfaction béate, car il en a vu d’autres. Vêtu d’une simple veste militaire noire, c’est en toute décontraction qu’il se dirige vers ses claviers fétiches, qu’il ne quittera plus de la soirée.
Heartbreak Hotel semble nous plonger au centre des pulsations d’un cœur martyrisé
Commence alors un sombre et prenant Heartbreak Hotel, aussi diablement lent que son rythme est lourd, et qui semble nous plonger au centre des pulsations d’un cœur martyrisé, déchiré par l’angoisse. Un morceau d’une modernité étonnante, et qui n’a pas pris une ride depuis l’album dont il est tiré, le fameux Slow Dazzle, écris pourtant en 1975, il y a presque 40 ans.
Changement brutal d’époque avec Hey Ray, un morceau récent, qui revient néanmoins sur l’année 1963, date à laquelle le jeune Gallois John Cale débarqua à New York, ce qui allait à la fois changer sa vie et l’Histoire de la musique rock. Comme il nous l’explique, le premier artiste qu’il rencontra à la Big Apple fut l’étrange Ray Johnson, inclassable figure néo-dada de la scène underground new-yorkaise qui allait profondément influencer le jeune Britannique. Mais pas de nostalgie outrancière chez John Cale, et le morceau est enlevé et plutôt joyeux, et rompt avec la tension des titres précédemment joués.
Pas de nostalgie outrancière chez John Cale
Le concert est sur de bons rails, et le groupe déroule maintenant, nous proposant une ballade incroyablement diversifiée dans l’impressionnante discographie de John Cale. Passant alternativement des titres issus des derniers albums comme BlackAcetate (2005) avec Perfect, Outta The Bag, Sold Motel et Hush, ou d’HoboSapiens (2003) avec Things et le très beau Look Horizon, le groupe nous invite à redécouvrir régulièrement des morceaux tirés d’albums incontournables de John Cale. Nous avons ainsi droit à un très Pop Satellite Walk (Artificial Intelligence, 1985), dont l’intro aux claviers, fêtée comme il se doit par une Maroquinerie en transe, nous replonge en quelques notes – et avec délectation – dans la période si insouciante et si créative du milieu des années 80.
Il se murmure à demi mots dans l’assistance que John Cale ne fait pas de rappels. Il reviendra pourtant pour un Dirty Ass Rock’n’Roll de haute volée (et de plus de 12 minutes) qui finira d’achever la fête de ce soir. Les musiciens se lâchent totalement, et, sous le regard paternaliste du maestro, semblent improviser des solos aussi incroyables les uns que les autres, qui se répondent dans la plus franche complicité.
On est donc revenu au Slow Dazzle de 1975, et alors que la Maroquinerie est plongée dans un chaos d’applaudissements indescriptible, la boucle semble ainsi bouclée. Mais la route de la création semble encore longue pour John Cale qui restera toujours un précurseur dans l’âme, attentif au monde qui l’entoure. Après plus de 15 albums studio pour ce toujours jeune homme, c’est encore le prochain que l’on attend avec la plus grande impatience. Non, le rock n’est pas mort, et John Cale vient encore de nous le prouver ce soir !
LA SET LIST COMPLÈTE :
CAPTAIN HOOK
HEARTBREAK HOTEL
HEY RAY
RIVERBANK
PILE A L’HEURE
LOOK HORIZON
COMMON COLD
AMSTERDAM
HUSH
OUTTA THE BAG
PERFECT
MODEL BEIRUT RECITAL
SOLD MOTEL
CATASTROFUK
THINGS
WHADDYA MEAN BY THAT
PERFECTION
SATELLITE WALK
TAKING IT ALL AWAY
GUTS
FEAR
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DIRTY ASS ROCK’N’ROLL
JUMBO IN THA MODERNWORLD
GUN
PABLO PICASSO
CHORALE
GRAVEL DRIVE
/// Textes : Pierre Rigae /// Crédit photos : © Pierre Rigae ///
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