Photos Pygmy Johnson & the Dead Deers @ Centre Musical FGO Barbara 2012
Au cœur de sa programmation hivernale, le Centre Musical FGO Barbara avait la bonne idée d’accueillir Pygmy Johnson, venu, accompagné de ses Dead Deers, présenter en live les titres de sa première galette, sortie en février 2012, et sobrement intitulée E.P. Une occasion rare de découvrir l’univers fantasmé de ce pur dandy western, dont l’electro rock est à la fois un gage d’intimité, et une promesse de grands espaces.
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Parti des lointaines Îles Caïmans, où il dit avoir passé son enfance, et fixé à Paris depuis 2008, Pygmy Johnson a ramené de ses errances autour du globe un authentique Stetson Texan, un peu de poussière du grand Ouest américain, mais aussi, autant que la nostalgie d’un horizon qui se dérobe à chaque pas, celle, plus âprement urbaine, des fureurs électriques des soirées berlinoises.
A cheval entre les étendues désertiques du sud des États-Unis et les lumières crues des villes enfiévrées d’electro
Arnaud Jollet, qui se cache derrière le pseudonyme de Pygmy Johnson, est un garçon discret, mais très actif. Ainsi, depuis son retour dans la Capitale, il promène infatigablement (et toujours avec distinction) son énigmatique silhouette d’ « Homme des Hautes Plaines » dans tous les lieux prisés de la scène underground parisienne (La Bellevilloise, l’International, Le Palais de Tokyo, Le Point Ephémère…) et enchaîne les collaborations, aussi variées et convaincantes dans les faits que parfois improbables sur le papier (Malkhior, Madame Dame, Alcaline, Ruppert Pupkin, Punkie B(e), Amanda Poupée…). Toute une série de projets parallèles – auxquels s’ajoutent encore les nombreux remixes et les musiques qu’il crée spécialement pour le théâtre (Emma, Bascule, Garbageland…) – qui, si elle retarde son éclosion au premier plan, n’en contribue pas moins à étoffer patiemment son univers musical, aussi raffiné que parfois violent.
Heureusement, il y a aujourd’hui la sortie de son premier EP qui, s’il apparaît réducteur par rapport à l’ensemble de sa production musicale, possède néanmoins le mérite de présenter un panorama à 360° des possibilités du jeune homme, à cheval (et toujours au galop !) entre les étendues désertiques du sud des États-Unis et les lumières crues des villes métalliques, enfiévrées d’electro.
Le regard à demi dissimulé sous son Stetson sombre…
20h30. Les portes de la petite salle sombre du Centre FGO Barbara se sont enfin ouvertes, et les fans de Pygmy Johnson, qui jusque-là patientaient au bar, prennent calmement possession des lieux. Ils sont, comme toujours, venus en nombre ce soir, applaudir leur dark cow-boy préféré, ou plutôt leur ghost crooner, comme lui-même se qualifie parfois. L’ambiance est plutôt décontractée, car on est venu entre amis, mais elle va bientôt se tendre, imperceptiblement, car les Dead Deers font maintenant leur entrée sur scène, sous les encouragements du public. Admirablement mis en valeur par de vaporeuses lumières froides, l’entrée de Pygmy, pourtant toute en sobriété, produit un effet immédiat sur la fosse qui semble, dans un silence quasi religieux, reculer d’un pas. Comme une marque de respect, aussi tacite que palpable. Rare.
Apparaissant en contre-jour, le regard à demi dissimulé sous son Stetson sombre, Pygmy Johnson semble cultiver son allure toute Eastwoodienne, savant mélange de retenue et de sveltesse martiale. Puis sa voix, profonde, presque gutturale, s’élève soudain, lentement, posément, renforçant encore l’impression de mélancolie froide laissée par son indiscutable présence physique. Une entrée en matière toute en douceur, mais qui d’emblée installe un climat très particulier, que le public savoure à sa juste valeur.
La voix de Pygmy recrée une forme d’intimité caverneuse
« Je suis Pygmy Johnson, ce sont les Dead Deers, nous sommes Pygmy Johnson & The Dead Deers… ». C’est par cette sentence lapidaire qu’Arnaud présente ensuite ses deux musiciens, Don Djamai à la guitare, et Junior à la batterie. En arrière-fond, le rythme lent de sa caisse claire se fait déjà entendre, quand le son suraigu d’une guitare vient soudain transpercer l’air d’une plainte déchirante, bientôt soutenue par la profonde ligne de basse de Pygmy. C’est My Precious Voodoo Doll, titre qui débute l’EP que le groupe est venu défendre ce soir, et de fort belle manière. La voix de Pygmy recrée alors une forme d’intimité caverneuse entraînée malgré elle vers un point de rupture inévitable, atteint pendant le refrain, qu’une violence trop longtemps contenue fait soudain exploser. Un morceau très cinématographique, dans lequel les passions les plus froides s’entrechoquent, alimentées par une tension sexuelle toujours présente. La signature de Pygmy.
No Room commence comme une confidence, au bord du gouffre. Il y a un peu de Leonard Cohen dans ce morceau, mais Nick Cave (période Murder Ballads) n’est jamais bien loin. De solides références, pour un titre émotionnellement très juste. Mais le ton change soudain du tout au tout. Plus frontal, Hot est beaucoup plus rapide, et son dialogue, alternant de façon presque discordante une voix basse et une voix poussée vers les aigus, est sauvagement martelé par un Pygmy qui se libère, tout en continuant d’explorer, quoique d’une façon volontairement plus parodique, les thèmes qui forment le cœur de son écriture. Beaucoup plus dansant comme son titre l’indique, This Is How I Dance, qui figure également sur l’EP, réveille soudain l’envie de faire la fête dans la salle, d’autant que la fin du morceau, de plus en plus rapide, commence à faire une place de choix à l’electro, l’autre penchant musical de Pygmy, qui s’intègre ici parfaitement à l’esprit de la composition.
Solitaire mais plus jamais vraiment seul sur la longue route qui mène à la notoriété
L’electro, c’est ce qui sous-tend encore Somewhere, avec ses alternances de parties chantées, relativement calmes, et ses envolés électroniques endiablées qui dynamitent tout sur leur passage. La salle est alors prise de convulsions spasmodiques, que seule la fin du morceau sera capable d’arrêter. Mais l’on se rapproche peu à peu de la fin du set et, revenant à nouveau vers des terres plus arides, Pygmy entame le très prenant We Will Never Sleep Again, qui débute comme une ballade tragique dans l’esprit d’And Also The Trees pour s’achever dans un déchaînement de passions contrariées et brutales, stigmatisées par un refrain scandé avec rage, et repris à son tour par une salle désormais au bord de l’implosion.
Brutal retour au calme, car c’est par Lockep Up que Pygmy Johnson & The Dead Deers a choisi pour conclure le set de ce soir, sur une note à la fois plus introspective, plus éthérée, et plus lyrique. La formation cultive le mystère, et le morceau, fantomatique à souhait, s’inscrit dans la veine la plus sensible de Pygmy. Délaissant alors sobrement ses musiciens avant la fin du morceau, comme s’effaçant aux yeux du public, Pygmy Johnson semble s’en aller vers le soleil couchant, comme le cow-boy solitaire qu’il est. Solitaire, mais, ainsi que les acclamations qui accompagnent sa sortie de scène, plus jamais vraiment seul, sur la longue route qui mène à la notoriété.
LA SET LIST COMPLÈTE :
SLOW
MY PRECIOUS VOODOO DOLL
NO ROOM
HOT
EGO
THIS IS HOW I DANCE
MEN
SOMEWHERE
WE WILL NEVER SLEEP AGAIN
AGAIN
RIDE
LOCKED UP