Photos And Also The Trees @ Le Divan du Monde 2012
De retour sur le devant de la scène grâce à un très convaincant treizième album, Hunter Not The Hunted, sorti fin mars, les aussi cultes que méconnus Anglais d’And Also The Trees étaient dans la Capitale pour abreuver leur public parisien, fidèle entre les fidèles, de leur coldwave élégante, flamboyante et habitée. C’était au Divan du Monde, une salle ancienne et intimiste, lieu idéal pour se replonger dans l’univers sombre et oppressant d’And Also The Trees, entre spleen victorien et grande littérature décadente.
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Pourtant adoubée en son temps par la bande à Robert Smith (And Also The Trees est né en 1979), la formation d’Inkberrow, dans le Worcestershire, n’a jamais véritablement réussi à percer sur la scène rock internationale, malgré un talent d’écriture rarement égalé depuis, et des concerts d’une intensité et d’une exigence extrême, au fascinant pouvoir évocateur. John Peel, pourtant fan, les disait « Trop Anglais pour les Anglais », mais peut-être n’étaient-ils finalement que trop littéraires dans les années 80 pour un mouvement indépendant qui venait de subir la claque hargneuse du punk, frontal et expiatoire.
La bande de Simon Huw Jones entre en piste, mais sans lui, resté en coulisses comme pour ménager ses effets
Le public de ce soir est donc largement composé d’initiés, avides de renouer avec leurs ténébreuses premières amours musicales, et donc entièrement vêtus de noir. La salle du Divan du Monde, un peu hors du temps avec ses frises rococo et son rideau en fausse panthère, est relativement petite, mais la foule qui s’y entasse y paraît d’autant plus compacte, semblant déjà promettre à And Also The Trees une inoubliable soirée, faite de tension dramatique autant que de recueillement.
C’est à 21h30 que la bande de Simon Huw Jones entre en piste, mais sans lui, resté en coulisses comme pour ménager ses effets. Justin, frère cadet de Simon, dépositaire de l’inimitable son de guitare aux accents de mandoline d’And Also The Trees, est le premier à se présenter sur scène, sous les acclamations de la foule qui le salue comme il se doit. Classieux comme à son habitude dans son impeccable costume noir, mèche savamment rebelle retombant sur son visage émacié au clair regard perçant, c’est lui qui va imprimer le rythme à ses partenaires de ce soir. Paul Hill est à la batterie, Emer Brizzolara aux claviers et Ian Jenkins (également contrebassiste émérite du groupe) à la basse, qu’il saisit soudain comme un mort de faim pour entamer la mythique intro de Prince Rupert, l’un des classiques de Farewell To The Shade (1989), l’album de la maturité d’And Also The Trees.
And Also The Trees repart vers les territoires lugubres de leurs compositions les plus anciennes
Le Divan du Monde vacille sur ses fondations, d’autant que Simon ne tarde pas à rejoindre ses musiciens. Boutons de manchette et chemise à jabot très fin de siècle (le XIXème of course !), le charismatique frontman d’And Also The Trees réussit son entrée, théâtrale et mystérieuse à souhait. Le timbre de sa voix, incroyablement caverneuse (bien qu’encore un peu forcée en ce début de set), prend immédiatement aux tripes, et instaure d’emblée une atmosphère sépulcrale d’une infinie profondeur.
Après The Beautiful Silence, qui fait à peine retomber la tension en revenant vers le registre plus apaisé de l’album (Listen For) The Rag & Bone Man de 2007, les And Also The Trees repartent vers les territoires lugubres de leurs compositions les plus anciennes avec un Shaletown inspiré qui comble de joies leurs fans indéfectibles de la période de The Milpond Years (1988).
Place maintenant aux titres très attendus sur scène de Hunter Not The Hunted, l’album du grand retour électrique d’And Also The Trees après la parenthèse acoustique du délicat When The Rains Come (2009). Tout fonctionne à merveille, et le public, qui lui aussi a mûri, semble se retrouver dans ces nouvelles compositions, plus assagies et moins grandiloquentes, mais tout aussi prenantes. Un très mélancolique The Woman On the Estuary, tout en retenue, un introspectif Only que l’inimitable jeu de Simon fait renouer avec les titres emblématiques de la discographie du groupe, un novateur Hunter Not The Hunted, sur laquelle la diction de Simon n’a jamais semblé aussi proche du Jesus Of The Moon ou du Hold On To Yourself de Nick Cave, et la greffe prend, sans rejet ni résistance.
Un retour gagnant en somme, et surtout… un nouveau départ
Mais pas de véritables concerts d’And Also The Trees sans les morceaux d’anthologie que représentent aux yeux des puristes l’aérien et aristocratique Dialogue, rescapé de l’époque de The Klaxon (1993), l’épique et incandescent Vincent Craine (1986), et surtout l’indispensable A Room Lives In Lucy, qui est à lui seul le résumé parfait de l’apport du groupe à l’Histoire du rock indépendant (quid d’Interpol ou plus récemment des White Lies sans un titre comme celui-ci ?). C’est d’ailleurs sur ce final en apothéose que le groupe se retire, avant de revenir enfin pour des rappels en forme de consécration.
Bien que plébiscité par l’auditoire en extase, pas de Slow Pulse Boy (pourtant inscrit sur la feuille de route de ce soir) remplacé au pied levé par le non moins fabuleux Gone… Like the Swallows, qui clos le set de ce soir sur une note ouverte sur un horizon qui semble enfin dégagé pour And Also The Trees : une inspiration retrouvée, un public historique reconquis, et une nouvelle génération de fans qui semble enfin prêter l’oreille à cette musique pleine de sens, de bruit et de fureur. Un retour gagnant en somme, et surtout… un nouveau départ.
LA SET LIST COMPLÈTE :
PRINCE RUPERT
THE BEAUTIFUL SILENCE
SHALETOWN
HUNTER NOT THE HUNTED
WHAT’S LOST FINDS
THE LEGEND OF MUCKLOW
BURN DOWN THIS TOWN
DIALOGUE
RIVE DROITE
THE WOMAN ON THE ESTUARY
ONLY
VINCENT CRAINE
WHISKEY BRIDE
A ROOM LIVES IN LUCY
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RIP RIDGE
ANGEL, DEVIL, MAN AN BEAST
THE UNTANGLED MAN
GONE… LIKE THE SWALLOWS