Photos Anna Calvi, Dum Dum Girls, Le Prince Miiaou @ Festival Les Inrocks Black XS 2011
Le nouveau chapitre du festival Les Inrocks Black XS se tenait à l’Olympia et s’écrivait exclusivement au féminin avec la participation, autour de la toujours très attendue Anna Calvi, du Prince Miiaou, d’EMA, ainsi que des Dum Dum Girls. Un programme aussi cohérent que varié, qui allait nous offrir un panorama presque exhaustif des déclinaisons possibles du rock, version « women touch ». Une grande réussite !
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Quel plus bel écrin aurait-on pu imaginer pour accueillir quelques unes parmi les plus prometteuses jeunes femmes du rock international que l’Olympia, ses lettres de feu incandescentes illuminant son célébrissime fronton, et son non moins magique rideau de velours rouge qui a tant fait rêver des générations d’artistes ? Les Inrockuptibles avaient donc fait les choses en grand, et nous présentaient leur sélection de groupes de filles sur lesquels il faudrait bientôt compter sur la scène rock.
Le public, comme hypnotisé par EMA, oublie malencontreusement d’applaudir à la fin du morceau…
Mais il fallait arriver de bonne heure pour profiter au maximum de la programmation alléchante qui nous était concoctée ce soir, car à 19h précises, EMA est déjà sur scène, malheureusement devant une salle encore à moitié vide. Son look grunge situant immédiatement le registre dans lequel elle évolue, la grande américaine aux cheveux courts, à la longue frange blonde qui lui masque presque entièrement le visage paraît malgré tout encore un peu intimidée, mais finit par se jeter à l’eau, en prenant le contre-pied de ce à quoi le public s’attendait en la voyant arriver.
Un tempo de basse très lent, mais surtout une voix au timbre clair qui semble éclore doucement de profondeurs aussi oniriques que crépusculaires. Une bien belle mise en bouche, que le public, comme hypnotisé, oublie malencontreusement d’applaudir à la fin du morceau. Un ange (de grande envergure) passe alors dans les travées encore clairsemées de l’Olympia, et la jeune femme s’en sort finalement en remerciant ceux qui ont bien voulu arriver si tôt, puis en présentant son groupe, EMA, à prononcer bien sûr à l’anglo-saxonne.
Grâce aux encouragements reçus suite à cette intervention, EMA, pas encore tout à fait libérée, peut néanmoins nous livrer un très intéressant The Grey Ship, qui débute de la façon la plus intimiste qui soit, avec texte sussuré servi sur guitares lancinantes, pour progresser bientôt vers un univers beaucoup plus noisy qui commence à faire franchement réagir un public quelque peu assoupi jusque-là. Butterfly Knife enfonce encore un peu plus le clou, et l’Olympia la suit maintenant de près, mais pas pour longtemps hélas, car comme la soirée va être longue, le set d’EMA ne contient que cinq titres, juste de quoi avoir envie d’en savoir un peu plus sur cette Californienne d’adoption.
Lâchant alors sa guitare, la jeune femme assène justement, comme ultime morceau, son cinglant California, dont le texte martelé avec rage débute par un « Fuck California, you made me boring… » sans équivoque. Accompagnée d’un violon, lui-même soutenu par un son saturé à l’extrême, elle termine son set sur une note carrément distordue, mais qui montre parfaitement le caractère dont elle peut à l’occasion faire preuve. Une belle découverte !
L’Olympia sautille sur place en dodelinant de la tête sur Dum Dum Girls
Plus volontairement basiques, et, d’une certaine façon, plus caricaturales (mais au bon sens du terme) les Dum Dum Girls, qui succèdent à Ema, réussissent, en jouant sur les clichés liés aux groupes exclusivement composés de filles, à tirer leur épingle du jeu. Toutes de noir et de lingerie de dentelle fine vêtues, les quatre beautiful cow-girls dynamisent l’Olympia avec leur pop acidulée et nerveuse qui emporte tout naturellement l’adhésion d’un public venu aussi sans autres arrière-pensées que de simplement passer une agréable soirée.
Un set à 100 à l’heure, avec de beaux morceaux de bravoure, comme avec leur désormais incontournable Bhang Bhang, I’m Burnout, sur lequel des chœurs très sixties, mais passés en accéléré, viennent surfer avec entrain sur des lignes de guitares écumantes. L’Olympia, pris par cette frénésie aussi jubilatoire que communicative, sautille sur place en dodelinant de la tête. Tradition oblige, c’est sur leur version toute personnelle, car survitaminée, de There Is A Light That Never Goes Out des Smiths que s’achève leur prestation si vivifiante, non sans laisser malgré tout le public un peu sur sa faim, car le set a semblé très court, bien qu’ayant duré 45 bonnes minutes. Plutôt bon signe, car personne n’a eu le temps de s’ennuyer, et c’est bien là l’essentiel !
Le Prince Miiaou prend les rênes de cette si belle soirée
21h, déjà, et c’est maintenant au tour du Prince Miiaou de prendre les rênes de cette si belle soirée. Emmené par Maud-Elisa Mandeau, Le prince Miiaou est une formation atypique qui draine à sa suite autant de détracteurs farouches que de fans indéfectibles, les premiers reprochant au groupe une certaine propension à se disperser (et parfois à se perdre dans une approche trop cérébrale du rock), quand les seconds louent a contrario son éclectisme débridé, et sa créativité sans bornes qui oxygène le genre. Aujourd’hui, c’est l’Olympia qui va juger, mais nul doute que les pro-Prince seront ce soir bien plus nombreux que les anti-Miiaou !
Un petit flottement dans l’air, et Maud-Elisa lance, comme pour crever l’abcès : « _ Je déteste ce moment-là !», ce qui lui met déjà dans la poche les ¾ de la salle. Une intro à la tUnE-YarDs plus tard, avec martelage systématique d’une caisse claire, et le groupe installe d’emblée sa personnalité, sans concession. Un J’ai deux yeux, intriguant à souhait, qui donne le ton, expérimental juste ce qu’il faut, est bientôt suivi par un I don’t Know My Name aérien, sur lequel la voix de Maud-Elisa se sublime avant de basculer vers un final ravageur de guitares fusionnelles : prenant !
Le set est loin d’être fini, et Le Prince Miiaou peut maintenant se permettre de voguer vers des territoires vierges et des terres inconnues, peuplés de paraboles intimistes et de créatures extraordinaires. C’est No Compassion Available, un titre en français malgré le titre du morceau, qui nous entraîne très loin sous la ligne de flottaison du rock traditionnel. Mais Le Prince Miiaou sait également retomber sur ses pattes, et termine son set par un très liquide We Both Wait, qui finit de convaincre les derniers réticents de l’Olympia, qui se disent qu’ils ont peut-être été les témoins privilégiés d’un moment unique par sa saveur, et son goût pleinement assumé.
Anna Calvi, sublime femme fatale « hitchcockienne »
Mais pas le temps de se remettre, car l’heure d’Anna Calvi va bientôt sonner, voire tonner, comme une déflagration de grâce autant que de maîtrise. Et, pour faire encore un peu patienter le public avant l’entrée de la Diva, un petit entracte (que l’on appelle le rideau pour les initier du festival), s’intercale judicieusement. Ce sont les 3 filles, aux 3 prénoms de garçon, Théodore, Paul & Gabriel, qui tiennent maintenant la dragée haute à un Olympia au bord de l’apoplexie. En moins de 12 minutes, elles réussissent même le tour de force de marquer les esprits, et de délimiter ainsi leur territoire aux frontières d’une folk élégante et racée, que Johnny Cash en personne ne pourrait pas renier. Trois petites chansons, pour, on l’espère, trois futures grandes.
Le rideau qui masquait la profondeur de la scène pendant le passage de Théodore, Paul & Gabriel se lève enfin, et l’Olympia plonge alors dans des ténèbres absolues d’où ne montent que les cris d’encouragement d’une salle au bord de la crise de nerf. 2 ou 3 minutes d’un noir complet, qui démultiplient encore une tension qu’on aurait pu penser à son paroxysme et puis soudain, c’est éclairée par un spot unique dont la lumière crue durcit encore un peu plus son profil volontaire qu’Anna Calvi fait son entrée sur scène, comme une Diva seule au monde.
Tirée à quatre épingles dans sa magnifique toilette qui rappelle l’âge d’or des films noirs américains, c’est en sublime femme fatale « hitchcockienne » qu’Anna saisit sa guitare pour entamer un Rider to the Sea de très grande classe, faisant immédiatement parler son irréprochable technique classique, intelligemment revisitée par un Jimi Hendrix devenu enfin sage. Chaque accord résonne clairement et avec force dans un Olympia qui retient son souffle, car le moment est rare, tout le monde s’en rend bien compte. Une dernière envolée de notes aussi stridentes qu’admirablement contrôlées, et la jeune Anglaise enchaîne avec No More Words, sur laquelle sa voix, aussi suave que profonde, fait des merveilles.
Une rupture de ton, et le rythme reprend ses droits avec un Blackout enlevé qui donne déjà quelques indications sur la puissance dont peut faire preuve la voix d’Anna Calvi. Utilisée à bon escient, c’est une arme tranchante qui, en live, semble vous transpercer de part en part. Sur Desire, Anna lâche ainsi les chevaux, et montre son caractère de feu à un Olympia médusé. Intervient alors un solo de guitare classique, légèrement hispanisant, et c’est The Devil, sur lequel la voix de la belle nous entraîne à sa suite dans des circonvolutions aériennes venues d’un autre monde.
Mais il va falloir bientôt se quitter, et Anna Calvi le sait. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle connaît la musique. C’est donc tout naturellement qu’elle choisit de terminer sa prestation par un vibrant hommage à Edith Piaf, peut-être la pensionnaire la plus célèbre de cet Olympia mythique où nous sommes rassemblés ce soir. Nous avons donc droit à un magistral Jezebel, mais chanté en français dans le texte, et avec tout son cœur. Prenant, flamboyant, racé ! Le public est sonné. C’est la fin de plus de quatre heures de musique, qui s’est conclu en apothéose avec Anna Calvi, devenue ce soir, à son tour, une icône de l’Olympia. Elle est rentrée dans la cour des grands, et, à n’en pas douter, son concert fait désormais partie de l’Histoire.
LES SET-LISTS COMPLETES :
EMA
MARKED
MILKMAN
THE GREY SHIP
BUTTERFLY KNIFE
CALIFORNIA
ALWAYS LOOKING
BHANG BHANG, I’M BURNOUT
CUTHELICKED
I WILL BE
REST OF OUR LIVES
HE METS ME HIGHT
IN MY HEAD
HOLD YOUR HAND
WASTING AWAY
IT ONLY TAKES
HEARTBEAT
THERE IS A LIGHT THAT NEVER GOES OUT (THE SMITHS)
J’AI DEUX YEUX
BE SILENT
I DON’T KNOW MY NAME
FRENESIES HORIZONTALES
FOOTBALL TEAM
HOLLOW HERO
NO COMPASSION AVAIBLE
TURN ME OFF
WE BOTH WAIT
RIDER TO THE SEA
NO MORE WORDS
BLACKOUT
I’LL BE YOUR MAN
FIRST WE KISS
SURRENDER
MOULINETTE ?
SUZANNE AND I
WOLF LIKE ME
MORNING LIGHT
DESIRE
LOVE WON’T BE LEAVING
THE DEVIL
JEZEBEL (WAYNE SHANKLIN)