Photos Archive @ Le Grand Rex 2011
Après un peu plus d’une quinzaine d’années d’existence, Archive est un groupe sinon en perpétuel devenir, du moins en transformation constante. Et, sans autres disques à défendre que Controlling Crowds et sa suite Controlling Crowds Part IV, sortis tous deux en 2009, il semblait légitime, à l’annonce de l’Orchestral Tour 2011, de se demander si cette tournée formerait une sorte de bilan du chemin déjà parcouru, ou plutôt présenterait en avant-première les nouvelles orientations musicales de la formation britannique. Une partie de la réponse nous serait donnée au Grand Rex, à Paris, où leur public français, fidèle depuis au moins You All Look The Same To Me, allait les accueillir à guichets fermés.
*** Les photos ne sont pas libres de droits ***
Archive, musicalement, ce pourrait être la rencontre fortuite de Thom Yorke et de Moby sous l’œil amusé de quelque ancien membre de Pink Floyd, tant l’univers du groupe louvoie avantageusement entre beat électro minimaliste et envolées soudaines de guitares baroques, entre réappropriations revendiquées et avant-garde plutôt austère, entre obscurité et transcendance. Mais Archive, avant d’être un simple groupe, est une véritable entité, organisée comme un collectif en constante révolution autour des directions artistiques conjointes de ses deux fondateurs, Danny Griffiths et Darius Keeler, qui conçoivent leur formation comme un organisme littéralement vivant, aux membres (et surtout aux chanteurs) souvent interchangeables.
Archive n’aurait pas pu choisir plus bel écrin
Depuis Londinium, sorti en 1996, et en six véritables albums studio, pas moins de sept chanteurs se sont ainsi succédé aux micros du projet Archive, explorant des territoires allant du trip hop au rock progressif, en passant par le rap, territoires apparemment aussi éloignés que leurs frontières semblaient jusque-là infranchissables. Mais Darius et Danny, en compilateurs de génie, ont toujours su concilier les extrêmes, tout en réussissant le tour de force de doter Archive d’une identité très forte, basée sur le mouvement, ce qui – le paradoxe n’est qu’apparent – confère une unité indiscutable à leurs travaux d’expérimentation.
Pour le concert de ce soir, le site du Grand Rex avait annoncé un sobre et énigmatique : ARCHIVE WITH ORCHESTRA, ce qui avait donné, à juste titre, l’eau à la bouche de tous ces fans qui, dans cette fin d’après-midi encore largement ensoleillée, attendent maintenant avec fébrilité et délectation l’ouverture des portes de la mythique salle parisienne. Et, enfin à l’intérieur, en découvrant l’impressionnante arche lumineuse qui enjambe majestueusement la grande scène, puis en s’installant dans les lourds et confortables fauteuils en cuirs tout en levant la tête vers la célébrissime voûte céleste peinte sur l‘immense coupole, on se dit qu’Archive n’aurait décidément pas pu choisir plus bel écrin que cette salle au décor digne d’une féerie des Mille et Une Nuits.
En contre-jour, on aperçoit les silhouettes fantomatiques des membres d’Archive
Mais le moment tant attendu est maintenant arrivé. Venus de la gauche de la scène, et alors que seuls leurs pupitres sont encore illuminés, voici la vague lente de la trentaine de musiciens de l’Orchestre Lamoureux qui déferle. Les musiciens prennent position, accordent patiemment leurs instruments sous la direction de leur chef d’orchestre, prêt à débuter le concert. Pour le public d’Archive, plus habitué sans doute à des sessions rock, le spectacle paraît déjà presque improbable, voire intimidant. Mais, ça y est, les violons prennent maintenant possession de la salle soudain transfigurée, et un piano entêtant commence les premières mesures de Lights.
Alors que la très longue intro vient tout juste de commencer, un grand frisson parcourt soudain le public, car, en contre-jour, on aperçoit les silhouettes fantomatiques des membres d’Archive se glisser derrière leurs micros, puis se figer dans une attente immobile de plusieurs minutes, tandis que la tension imprimée par l’orchestre augmente peu à peu, degré par degré. Puis enfin c’est la voix de Pollard Berrier qui s’élève au-dessus des cordes lancinantes, et c’est tout le Grand Rex qui s’enflamme, d’autant que la formation semble entièrement noyée d’une profonde lumière rouge, comme une lumière d’Apocalypse.
La formation est résolument tournée vers l’avenir.
Entrée en matières à l’image de la musique d’Archive, à la fois ambitieuse et sobre, mais surtout mystérieuse à souhait. L’impression déjà très forte produite sur le public est encre renforcée par l’allure générale du groupe, visiblement très concentré, et par celle de Pollard en particulier. Gestes savamment retenus, prise de micro façon Jim Morrisson, il se dégage de lui un charisme indéniable qui fait immédiatement chavirer la salle. Une longue mèche lui masque scientifiquement la moitié du visage, et dans les quelques moments de répit que lui laisse le morceau, il esquisse quelques pas d’une danse inconnue qui pourrait être celle d’un chaman Navajo.
Mais, si Pollard Berrier, qui participe aussi régulièrement à la composition des morceaux du groupe, peut être présenté comme le chanteur principal d’Archive depuis l’enregistrement de l’album Lights en 2005, trois autres chanteurs ont également assuré les voix pendant les deux sessions de Controlling Crowds. Ce soir, seul Rosko John n’est pas présent. Dave Penney est solidement installé à la guitare, et, dès la fin de Lights, acclamé comme il se doit, c’est tout naturellement Maria Q qui fait son apparition avant d’entamer un You Make Me Feel très efficace, qui resitue la prestation de ce soir dans l’histoire du groupe. Ce sera l’unique titre issu des deux premiers opus d’Archive, preuve que la formation est résolument tournée vers l’avenir.
La foule envahit le petit espace entre la scène et les premiers fauteuils d’orchestre
La quasi-totalité de la set list est d’ailleurs composée de titres postérieurs à You All Look The Same To Me, qui en 2002 avait pourtant été le déclencheur de la reconnaissance internationale du groupe. Seule exception à la règle en cette première partie de set, le très attendu Finding It So Hard, morceau de bravoure de près de 15 minutes dont Dave Penney, qui reprend au chant la place laissée vacante sur ce titre par le départ de Craig Walker fin 2004, se tire tant bien que mal, ce qui n’empêche pas le public de le plébisciter.
Mais il est déjà presque 22h30, et, juste avant les rappels, nous avons droit à un somptueux Bullets qui finit par déclencher un raz-de-marée dans la salle. Sur un signe de Pollard Berrier, la foule a envahi le petit espace entre la scène et les premiers fauteuils d’orchestre, et une véritable fosse s’est créée instantanément, tandis que tout le Grand Rex, déchaîné, est debout pour accompagner la fin du morceau, en forme de déluge électrique assourdissant. La salle gronde furieusement, et ce n’est pas le retour sur scène d’Archive, quelques petites minutes plus tard, qui calme les esprits.
Un final ahurissant en forme d’apothéose
Trois derniers titres sont joués ce soir, dont Controlling Crowds, sur lequel Pollard est même contraint de demander à la foule de se calmer un peu, avant que le groupe au grand complet (Pollard passant à la guitare) ne termine le concert sur l’emblématique Again, cette fois-ci magistralement interprété par un Dave Penney comme enfin libéré, et qui réussit à pousser sa voix dans ses derniers retranchements.
Un final ahurissant donc, en forme d’apothéose, et un public qui ne veut plus quitter la salle. Le grand orchestre a même le droit à une standing ovation de plusieurs longues minutes, tant le public a conscience d’avoir assister à un concert vraiment exceptionnel. Mais les lumières se sont rallumées depuis déjà longtemps, et c’est bien à contrecœur que les gradins se vident peu à peu. Reste la perspective encore un peu floue d’un prochain album, d’une nouvelle aventure, mais surtout la conviction que les souvenirs de cette soirée, eux, resteront bien précis.
LA SET LIST COMPLÈTE :
LIGHTS
YOU MAKE ME FEEL
HEADLIGHTS
THE FEELING OF LOOSING EVERYTHING
BLOOD IN NUMBERS
TO THE END
ORGAN SONG
FINDING IT SO HARD
I WILL FADE
COLLAPSE / COLLIDE
WORDS ON SIGNS
SLOWING FOLD
BLACK
PICTURES
BULLETS
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DANGERVISIT
CONTROLLING CROWDS
AGAIN
/// Textes : Pierre Rigae /// Crédit photos : © Pierre Rigae ///
6 choses que vous ne saviez pas sur Archive
« Darius Keeler et Danny Griffiths sont les deux seuls membres permanents d’Archive. Merci, je sais. C’est la base lorsque l’on s’intéresse au groupe ! » hurlez-vous devant votre écran. Calmez-vous pour l’amour du trip hop britannique. Êtes-vous absolument certain de tout savoir sur Archive ? Pour vous en assurer, Pixbear a rassemblé 6 anecdotes méconnues sur le groupe.