Photos My Brightest Diamond & Ladylike Lily @ L’Alhambra 2012
Pour sa 15ème édition, le festival Les Femmes s’en Mêlent avait mis les petits plats dans les grands en programmant à l’Alhambra My Brightest Diamond, l’inclassable projet musical de Shara Worden, accompagnée pour l’occasion d’un ensemble classique complet, mêlant instruments à vent et instruments à cordes. Trois mois après sa prestation intimiste au Café de la Danse, l’Américaine allait frapper un grand coup en donnant la possibilité à son public parisien de découvrir dans les meilleures conditions possibles son univers foisonnant et iconoclaste, sans conteste l’un des plus original de la scène indépendante actuelle.
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Mais pour l’heure, place à la poésie évanescente de Ladylike Lily, dont le folk acidulé et tendrement mélancolique arrive, concert après concert, peu à peu à maturation. Après une année 2011 riche en prestations remarquées (Les Vieilles Charrues, Le Printemps de Bourges…), il semblait temps pour la toute jeune lauréate du Tremplin Label Mozaïc 2010, qui n’a que 24 ans, de sortir un premier album. C’est désormais chose faite depuis quelques jours à peine, grâce à son très prometteur Get Your Soul Washed.
Dès les premières notes d’On My Own, il paraît évident que Ladylike Lily va très bien s’en sortir
Malgré l’expérience engrangée sur scène ces derniers mois, la jeune Bretonne paraît toute intimidée au moment d’affronter un public de l’Alhambra très silencieux, mais fort heureusement attentif et concentré, et donc finalement amical. Il est vrai qu’il n’est jamais facile pour une jeune artiste de se produire entièrement seule face à une assemblée qui s’est majoritairement déplacée pour la formation suivante. Mais, dès les premières notes d’On My Own, il paraît évident que Ladylike Lily va très bien s’en sortir. Une guitare sèche à la fois cristalline et profonde, une voix à peine éraillée sur ses accélérations, coulant mélodieusement comme une source d’eau claire, et l’Alhambra est conquise, presque naturellement, sans combattre, ni même en avoir le désir.
Ladylike Lily, en ce début de set, choisit de plutôt mettre l’accent sur les titres de son EP On My Own, sorti en novembre 2011, comme si elle préférait d’abord tester les réactions de l’Alhambra sur des titres déjà bien rodés en live avant de se lancer en territoire inconnu. Après un envoûtant Your Bed et un I’m Terrified Of Being qui révèle la fragilité revendiquée de la jeune fille, nous avons droit à un Pearl and Potatoes entraînant, aussi léger que ludique, qui s’impose comme un single inévitable, bien que Ladylike Lily nous l’ait présenté comme une chanson « assez cul-cul » (dans le texte !).
Ladylike Lily ne joue ce soir que trois titres de Get Your Soul Washed
La fin du set est maintenant tournée vers ses compositions les plus récentes, dont l’instrumentation sur scène, plus fournie grâce à l’utilisation récurrente de boucles, a été travaillée pour décupler la puissance évocatrice de chaque morceau. Ladylike Lily ne joue ce soir que trois titres de Get Your Soul Washed, mais chacun d’entre eux semble produire son petit effet. Plus rythmées que les précédentes chansons jouées, les inventives Prickling et Lonesomeone semblent désormais plus loucher vers les espaces liminaires de Blonde Redhead ou d’une Björk recentrée en elle-même que vers un folk pur et dur. Comme une promesse en passe d’être tenue.
Ladylike Lily, maintenant assise à genoux à même le sol comme au bord d’un ruisseau imaginaire, termine le set par Serenade, une reprise inspirée d’Emiliana Torrini, en forme d’hommage à toutes les influences qui ont donné envie à la jeune femme d’embrasser une carrière professionnelle. Et elle sera longue, soyons-en certain.
L’Alhambra vient de basculer dans l’univers parallèle de My Brightest Diamond
21h30. L’ensemble classique de My Brightest Diamond entre sur scène, et un imperceptible frisson parcourt alors la salle de l’Alhambra (qui semble soudain beaucoup plus petite), comme si le public pressentait déjà qu’il allait se passer quelque chose d’important ce soir. L’orchestre s’accorde quelques instants dans une cacophonie joyeuse qui finit cependant par prendre forme peu à peu. C’est A Paper, A Pen, A Note To A Friend, introduction exclusivement instrumentale dont le but est de nous soustraire sur le champ à notre réalité quotidienne. Effet garanti, et immédiat, d’autant qu’une créature étrange et colorée vient de faire son apparition sur scène. C’est Shara Worden, qui, derrière le masque lunaire d’un être fabuleux, mime une danse aussi mystérieuse que le personnage qu’elle incarne.
C’est fait, l’Alhambra vient de basculer dans l’univers parallèle de My Brightest Diamond. Shara tombe soudain le masque, et, l’œil malicieux, profite quelques secondes des acclamations qui lui sont adressées, puis entame, ukulélé en main, un We Added It Up qui place vraiment la barre très haut, et qui, dès le premier morceau, finit de faire perdre tous ses repères à une Alhambra forcément complice. Une musique composée d’une abondance de digressions languides et ouvragées, une voix de diva qui se perd en circonvolutions serpentines, un chemin qui finit par se retrouver comme par magie parmi les infinités de voyages soudain entrevus… C’est cela My Brightest Diamond, un labyrinthe concentrique livré avec toutes ses clés, dans lequel il est délicieux d’apprendre à se perdre.
La voix de Shara Worden nous entraîne dans une méditation aussi personnelle que détachée
Flûtes indolentes, hautbois placides, c’est Reaching Through to the Other Side, sur lequel la voix de Shara se fait encore plus aigüe, et nous entraîne dans une méditation aussi personnelle que détachée. On ne se préoccupe désormais plus de savoir si ce que nous propose My Brightest Diamond tend plus vers le rock indépendant ou vers la musique classique. On ne se préoccupe même plus de savoir si c’est encore de la musique… On est là, on savoure, et c’est bien là l’essentiel.
Dans cette première partie de set, Shara choisit délibérément de nous entraîner à sa suite dans ses plus récentes explorations musicales, regroupées dans son dernier album en date, le très travaillé All Things Will Unwind (sorti en novembre 2011). Un voyage à la fois incertain et sûr de lui, dans lequel la complexité des arrangements ne masque jamais le paysage. Car Shara Worden aime aussi raconter des histoires, souvent aussi quotidiennes que par exemple l’intrusion désintéressée d’un simple rat dans la maison de la chanteuse (There’s A Rat). Mais, grâce à son talent, l’anecdote se transforme tout de suite en une véritable aventure, et presque en une odyssée, aussi savoureuse et palpitante que surréaliste.
Shara Worden revient une toute dernière fois sur scène, comme pour entériner un triomphe déjà manifeste
Changement soudain de cap avec le premier rappel de la soirée. Chapeautée d’un superbe haut-de-forme recouvert de strass, c’est en meneuse de cabaret Berlinois que Shara revient sur scène. Mais elle n’est pas seule, et présente à la foule son invitée de ce soir, Christine And The Queens, visiblement ravie de partager momentanément l’affiche aux côtés de My Brightest Diamond. Le duo, sur l’electro minimaliste et plutôt sombre du titre de Christine And The Queens Narcissus Is Back, fonctionne à merveille, et assure une transition parfaite avec le reste du show, qui va maintenant faire la part belle au répertoire plus ancien de My Brightest Diamond.
Mais les surprises ne sont pas finies. Après Dragonfly et le facétieux Magic Rabbit (tous deux extraits de son premier opus Bring Me The Workhorse, sorti en 2006), Shara Worden, en bonne Américaine se produisant à Paris, ne peut s’empêcher, à l’instar d’Anna Calvi lors du dernier Festival des Inrocks, de rendre un hommage vibrant à la chanteuse française la plus connue à l’international, Edith Piaf. C’est L’Hymne à l’amour, dans une version anglaise qui revisite la chanson originale à la sauce (toujours de bon goût) de My Brightest Diamond.
Le public ne voulant plus quitter l’Alhambra, Shara Worden revient une toute dernière fois sur scène, comme pour entériner un triomphe déjà manifeste. Nous avons ainsi droit au tubesque Inside a Boy, avant que la soirée ne se termine en apothéose festive avec un Tainted Love décomplexé, en forme de clin d’œil à la pop des années 80. Si le voyage s’achève désormais, il est sûr cependant que les souvenirs de cette soirée magique nous resteront très longtemps en mémoire, et c’est tout ce qui nous importe !
LA SET LIST COMPLÈTE :
LADYLIKE LILY :
ON MY OWN
YOUR BED
I’M TERRIFIED OF BEING
PEARL & POTATOES
PRIVATE LIGHTS
PRICKLING
LONESOMEONE
THIS LAW
SERENADE (EMILIANA TORRINI)
MY BRIGHTEST DIAMOND :
A PAPER, A PEN, A NOTE TO A FRIEND
WE ADDED IT UP
REACHING THROUGH TO THE OTHER SIDE
ESCAPE ROUTES
DANCE
BE BRAVE
SHE DOES NOT BRAVE YHE WAR
DING DANG
THERE’S A RAT
EVERYTHING IS IN LINE
HIGH LOW MIDDLE
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NARCISSUS IS BACK FEAT. CHRISTINE AND THE QUEENS
APPLES
DRAGONFLY
MAGIC RABBIT
IF YOU LOVE ME / L’HYMNE A L’AMOUR (EDITH PIAF)
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INSIDE A BOY
TAINTED LOVE (GLORIA JONES)