Photos She Keeps Bees @ L’international 2011
Malgré les critiques élogieuses et unanimes qui ont suivi la sortie de leur second album Nests, paru en 2009, les américains de She Keeps Bees demeurent encore inexplicablement confidentiels auprès du grand public, ce qui ne devrait sans doute pas durer. Leurs fans, dont les rangs grossissent aussi lentement que sûrement, ont donc pour quelque temps encore la possibilité, voire le privilège, de les découvrir sur des petites scènes où leur rock intimiste et intense peut s’exprimer pleinement. Samedi dernier, le duo de Brooklyn était de passage à Paris, à l’International, où ils ont livré, devant un parterre ébahi, une prestation de très grande classe.
*** Les photos ne sont pas libres de droits ***
Le froid est cinglant sur Paris, et les premiers clients de l’International qui sont déjà là se réchauffent comme ils peuvent autour du bar, en attendant l’ouverture de la salle du sous-sol, prévue à 21h. Mais, à l’International (les habitués le savent bien), mieux vaut arriver tôt pour espérer être bien placé devant la scène, chaleureuse, mais minuscule. D’autant que la programmation d’aujourd’hui est plus qu’alléchante avec, en première partie de She Keeps Bees, les très prometteurs Tornado, puis les Texans de The Wild Moccasins.
Tonardo et The Wild Mocassins en première partie
Le set des Tornado, seuls frenchies de la soirée, débute à 21h10, sous les encouragements d’un public encore clairsemé, mais attentif. Un rock « de la frontière », proche dans l’esprit de Calexico, placé résolument sous le signe des grands espaces de l’Ouest Américain, avec guitares lancinantes, façon Chris Isaak, mais en beaucoup plus nerveux. La mayonnaise, américaine of course, prend plutôt bien, et, pour un peu, on se croirait dans un pub de Flagstaff. Le très beau Burst of Season remporte notamment un franc succès.
Ensuite, et dans un registre totalement différent, nous avons droit à la pop survitaminée et volontairement kitch des tout jeunes Wild Moccasins, qu’on dirait tout juste sorti d’une high school de l’ère Kennedy. Ils s’en donnent à cœur joie, et, malgré le peu d’espace dont ils disposent sur scène, se remuent dans tous les sens, ce qui déclenche l’hilarité d’un public qui ne demande qu’à les suivre dans leur délire rafraîchissant et éminemment ludique.
Pas de chichis pour ce duo new-yorkais à qui tout le monde prédit un avenir radieux
Mais nous allons bientôt entrer dans une toute autre dimension, avec l’arrivée, toute en simplicité, des She Keeps Bees. Déjà, Andy LaPlant s’installe à la batterie, et Jessica Larabee dispose à ses pieds la set list, écrite à la main (avec quelques ratures) sur un vieux cahier d’écolier. Pas de chichis donc pour ce duo new-yorkais à qui tout le monde prédit un avenir radieux, tant leur réputation grandit rapidement au fur et à mesure de leurs prestations live.
L’International est maintenant tellement plein à craquer que la foule semble sur le point d’envahir la scène, presque de plain-pied. Comme à son habitude avant de débuter un set, Jessica est nerveuse et, tout en évitant soigneusement de croiser le regard du public, si proche qu’il pourrait la toucher, elle plaisante timidement avec ceux qui l’apostrophent pendant qu’elle accorde sa guitare, ce qui crée un lien de proximité, et la rend immédiatement sympathique. Andy, lui, qui ne semble pas avoir la pression, est déjà prêt.
Le visage à demi masqué par une longue mèche de cheveux, Jessica, qui a visiblement besoin de se sentir constamment rassurée, ne présente à son public que son profil, car elle fait toujours en sorte que son ami batteur, placé derrière elle, entre malgré tout dans son champ de vision. Une dernière inspiration pour se donner du courage avant de commencer, et elle remonte les manches de son pull, exhibant au passage les fameuses abeilles, identité visuelle du groupe, tatouées sur ses avant-bras.
La métamorphose, totale, est impressionnante, tant la maîtrise transpire de ce début de set
Jessica se lance, enfin. Mais ça valait la peine d’attendre, car l’instant est magique, et un frisson collectif parcoure immédiatement l’assemblée, qui reste sous le choc. Pas d’intro sur le titre Release, car le son de la guitare et celui de la voix se sont élevés ensemble, comme depuis le néant, pour former un entrelac subtil et foisonnant. La voix est parfaitement placée, et son timbre, qui allie la sensualité à une profondeur âpre, remplie l’espace de la salle qui semble lui appartenir entièrement.
Car c’est une autre Jessica que nous avons sous les yeux maintenant, bien loin de cette grande jeune femme aux gestes rendus un peu gauches par le trac. La métamorphose, totale, est impressionnante, tant la maîtrise transpire de ce début de set. Le rythme s’accélère, car la batterie entre maintenant dans la danse, et le morceau, devenu peu à peu épique, s’achève brutalement dans un tonnerre de guitare saturée.
Un grand silence ponctue ce premier morceau, car le public est littéralement subjugué. Jessica lance un affectueux « Bonjour la France ! », avant d’entamer le magnifique Stutter, sur laquelle sa voix explore d’autres territoires, proches du blues. Cette fois-ci, le public sort un peu de sa catatonie, et l’applaudit à tout rompre à la fin du morceau . Le concert peut véritablement commencer.
La communion est désormais totale entre la formation et le public
Les titres de Nests s’enchaînent somptueusement, et la communion, la fusion presque, est désormais totale entre la formation et le public, qui devient, pour sans doute très longtemps, son public. La set list est royale, démontrant l’étendue presque sans limites du registre des She Keeps Bees.
Mais le set se termine déjà, sans rappels, après une petite heure qui a paru quelques minutes seulement. Et Jessica, sans guitare et à nouveau toute timide, revient sur scène pour saluer la foule qui ne veut pas partir, et distribue à tout le monde, en toute simplicité, des badges du groupe, sur lesquels, seule, figure la petite abeille emblématique. Un futur collector sans doute, mais avant tout un cadeau, comme le concert de ce soir…
LA SET LIST COMPLÈTE :
RELEASE
STUTTER
WEAR RED
YOU CAN TELL
GET ONE
FARMER
RIBBON
FANGS
JUPITER DEEL
MIMMIL
PILE UP
SEE ME
MAKE IT EASY
NEW SEED