Photos The Cave Singers @ Le Point Ephémère 2011
Avant de poursuivre leur route pleine de sueur et de poussière vers les paradis perdus d’Amsterdam et les cités ouvrières du cœur de l’Angleterre, c’était à Paris, au Point Éphémère, dans cette enclave industrielle en contrebas de la Place Stalingrad, que les Américains de The Cave Singers venaient défendre leur troisième album No Witch sorti à peine trois mois plus tôt. Une occasion rare de découvrir en live cette autre musique venue de Seattle, une country-folk envoûtante qui sent bon le bois mouillé et les grands espaces de la frontière canadienne, façon Into The Wild, le dernier film réalisé par Sean Penn.
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Il est 19h15 et il règne une ambiance quasiment estivale sur le Quai de Valmy, encore à peu près désert en dehors de la proximité immédiate du Point Éphémère devant la terrasse duquel commencent à se former de petits groupes venus prendre un verre en attendant le début du concert programmé à 20h. Tranquillement assis sur le petit parapet en fer qui longe le canal, nos trois Cave Singers, barbes au vent, profitent en toute quiétude, et en toute simplicité, de l’incroyable douceur de cette fin d’après-midi qui s’étire avec paresse.
Comme un paradoxe, le trio s’intègre parfaitement dans ce décor
Encadré par son batteur, le discret Marty Lund, et par Derek Fudesco, l’ami et le guitariste du groupe dont l’impressionnante stature semble le protéger, Pete Quirk apparaît immédiatement comme le point d’ancrage de la formation. Casquette américaine vissée sur la tête, barbe hirsute de vieux trappeur et inévitable jean 501, il dégage, sans doute bien malgré lui un indéniable charisme sous ses faux airs tristes d’un Joe Cocker rajeuni qui aurait emprunté à un Charles Bukowski de la grande époque, le regard à la fois malicieux et perçant.
Comme un paradoxe, le trio s’intègre parfaitement dans ce décor. Des musiciens sur la route, une salle de concert aménagée dans d’anciens entrepôts aux abords d’un vieux canal que surplombe la structure industrielle d’une ligne de métro aérien et, pour un peu, on se croirait plongé dans un film de Jim Jarmusch ou dans les paroles d’une ancienne ballade de Springsteen, époque Nebraska ou The River.
Nietzsche Don’t Smoke
20h05 déjà, et, sur le quai, personne ne fait mine de bouger. La salle de concert a pourtant ouvert ses portes depuis un bon quart d’heure, mais elle reste quasiment vide. Seuls, quelques petits groupes éparts ont improvisé un sitting au centre de la fosse plongée dans une obscurité profonde, qui contraste fortement avec les dernières lueurs du jour.
Sur la scène, alors qu’aucune première partie n’avait été annoncée, un musicien s’installe pourtant, armé de sa seule guitare sèche, dans un contre-jour qui renforce l’atmosphère énigmatique qui se dégage de son personnage à l’allure d’un John Malkovich ténébreux. Sous le nom de Nietzsche Don’t Smoke, il présente alors le groupe – qu’il constitue à lui tout seul – comme faisant partie d’un projet artistique plus vaste, celui d’un roman en train de s’écrire. Un univers fortement imprégné par la littérature donc, mais parfaitement mis en relief par une musique profonde, interprétée avec justesse et sobriété. Le public, d’abord intrigué, adhère peu à peu à ce songwriting inspiré, puis finit par en redemander avec insistance. De très bonne augure pour la suite.
Les trois Américains ne sont pas pressés et discutent entre eux tout en s’accordant comme à la maison
21h. En toute décontraction, les Cave Singers, bières à la main, sont montés sur scène, sous les encouragements d’une salle qui continue à se remplir lentement. Ici, pas de show hollywoodien en vue mais une véritable ambiance de club, saine et authentique. Les trois Américains ne sont pas pressés et discutent entre eux tout en s’accordant comme à la maison. Derek, souriant, s’est installé sur son tabouret de bar fétiche (il ne le quittera pas de la soirée) et plaisante avec Pete, qui règle son micro, avant de s’avancer vers le public pour demander gentiment à ceux qui étaient restés assis par terre de bien vouloir se lever.
A la batterie, Marty a préparé ses maracas et le set commence tout en douceur avec un titre de circonstance Summer Light. La guitare légère, au son proche d’un banjo, qui nous plonge immédiatement au cœur de cette autre Amérique, celle des Rocheuses sauvages et des forêts épaisses, est admirablement relayée par la voix prenante de Pete, typiquement country, voix nasillarde et vibrante d’un homme qui a vécu et qui finit de nous transporter vers un ailleurs mélancolique et grave mais néanmoins emprunt d’une profonde sérénité.
Shrine explore maintenant les territoires psychédéliques de The End
Le ton étant donné, le rythme monte d’un cran avec Clever Creatures, seul morceau du dernier opus qui sera joué dans cette première partie de set et qui installe le groupe dans un registre plus rock, qui lui convient également à la perfection. Les spectateurs, d’ores et déjà conquis par un riff de guitare obsédant, dodelinent de la tête en suivant la musique qui s‘accélère. Mais ce n’est encore rien à côté d’At The Cut dont la guitare tranchante fait des ravages dans la fosse, tandis que Pete pousse sa voix dans ses derniers retranchements.
Toujours extrait de leur album précédent Welcome Joy, Shrine explore maintenant les territoires psychédéliques de The End. Mais, alors que beaucoup d’artistes se sont brûlés les ailes en tentant des hommages plus ou moins bienvenus, le titre, en live, soutient la comparaison avec l’emblématique morceau des Doors. Un tour de force, d’autant que Pete, comme investi d’une mission, captive l’auditoire en mimant son texte, en le vivant même, se révélant également un performer génial, parfaitement crédible dans son rôle d’acteur.
Un set conclu en forme d’apothéose libératrice sous une ovation largement méritée
Les Cave Singers, très abordables, n’oublient cependant pas de rester proches de leurs fans et instaurent avec eux une complicité réelle, qui détend agréablement l’atmosphère entre les titres qui s’enchaînent, et dont l’ambiance, tellement prenante, est souvent propice à l’introspection. Sur Prosecution If We Bail, Pete se paye même le luxe d’un petit tour dans la fosse, entraînant le public dans une sarabande un peu gauche, mais joyeuse, et totalement décomplexée.
Une petite pause bien méritée puis le groupe revient avec trois morceaux parmi les plus réclamés par leurs fans de la première heure. D’abord Helen, sur laquelle la voix déchirante de Pete renvoie aux compositions les plus abouties de Mike Scott, leader des très cultes Waterboys, puis Beach House, l’une des nombreuses perles de Welcome Joy en forme de ballade un brin nostalgique et, enfin, l’ébouriffant Dancing on Our Graves, issu de leur premier album Invitation Songs, titre dans lequel tout l’esprit du groupe semble s’écouler, dans une hémorragie créatrice et jubilatoire. Un set conclu en forme d’apothéose libératrice sous une ovation largement méritée et qui n’en finit plus.
La Mort tatouée sur l’épaule droite, l’Espoir sur la gauche, comme pour résumer sa démarche artistique, Pete prend le temps de savourer quelques minutes l’impression profonde laissée par sa prestation de ce soir sur le public français qui l’a définitivement adopté. Puis, chaleureusement félicité par ses deux acolytes, il quitte la scène, l’air éprouvé et un peu ailleurs, une bonne bouteille de whisky à la main. Tout est dit !
LA SET LIST COMPLÈTE :
SUMMER LIGHT
CLEVER CREATURES
AT THE CUT
SHRINE
LEAP
SWIM CLUB
HALLER LAKE
FAZE WAVE
NO PROSECUTION IF WE BAIL
BLACK LEAF
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HELEN
BEACH HOUSE
DANCING ON OUR GRAVES