Photos The Wave Pictures @ Le Point Éphémère 2012
Lancés dans une tournée dantesque qui les mènera bientôt aux quatre coins de la vieille Europe avant de les voir s’envoler vers le Nouveau Monde pour une vingtaine de dates, les très remuants Wave Pictures étaient au Point Ephémère pour célébrer leur tout nouvel album Long Black Cars, à paraître le 4 avril en France. Repartis pour de nouvelles aventures avec ce douzième opus en un peu moins de quinze ans d’existence (record à battre !), les prolifiques Anglais de Wymeswold avaient également l’intention de faire oublier à leurs fans parisiens leur prestation en demi-teinte du Café de la Danse en septembre dernier. Pari tenu !
*** Les photos ne sont pas libres de droits /// All rights reserved ***
20h30. La soirée commence de la plus douce (et de la plus agréable) des façons avec Dan San, un combo à six têtes venu spécialement de Belgique pour défendre Domino, un premier album résolument folk qui, bien qu’encore un peu timide, laisse entrevoir de belles possibilités. Un songwritting sophistiqué, une dynamique de groupe qui renouvelle le genre, et les sympathiques Liégeois, élevés au son de Cat Stevens et de Simon & Garfunkel, parviennent en moins d’une dizaine de titres à entraîner la salle, presque étonnée de se laisser ainsi « bal(l)ader » aussi facilement. Notons le très léché Pillow, qui ravit tous les suffrages avec sa belle ambiance feutrée et ses chœurs aussi aériens qu’inspirés.
Pas de look du tout
21h30. Les Wave Pictures sont sur scène, en toute décontraction, et, loin des clichés du rock, ils ont remplacé la bière par le Coca. Pas de look post punk ou grunge pour notre trio british, pas de maquillage dégoulinant ni de coiffures antigravitationnelles. En un mot, pas de look du tout (ou alors celui du dimanche matin au fin fond du Leicestershire), et ça fait presque du bien de se rendre ainsi vraiment compte qu’on est là pour écouter de la bonne musique, tout simplement.
Comme souvent depuis la composition du morceau il y a deux ans, le set débute par un Susan Rode the Cyclone aux sonorités pop folk, dans la continuité de ce que nous avait proposé Dan San tout à l’heure. Une entrée en matière tout en nuances et en sensibilité, révélant d’emblée l’indiscutable talent d’écriture de la formation anglaise. Une guitare aussi lancinante que cristalline, une mélodie aux harmonies flottantes admirablement servies par le timbre juvénile de David Tattersall, et une impression de candeur ouatée et mélancolique que renforcent encore des chœurs désenchantés, venus, avec naturel, se poser sur le refrain. La fin du morceau s’accélère et donne également à David l’occasion de montrer sa virtuosité de guitariste, fin et ultra précis.
Entre confession intime et humour second degré
Mais brusque changement de cap avec le deuxième titre joué ce soir, qui révèle l’autre visage, moins intello mais beaucoup plus spontané des Wave Pictures. David a soudain laissé sa place au chant à son sémillant batteur Jonny Helm, et se concentre maintenant sur ses riffs de guitare tranchants et bien sentis. C’est Eskimo Kiss, premier single accrocheur et décomplexé de Long Black Cars, qui est immédiatement adopté par le public tant l’énergie et la bonne humeur qui s’en dégage est communicative.
Un peu plus tard, Jonny reviendra d’ailleurs au chant (mais cette fois installé au centre de la scène, et les mains derrière le dos) pour un étonnant Now You Are Pregnant, tiré de l’album Sophie (2006), qui finira par plonger la salle dans l’hilarité la plus totale. Oscillant entre confession intime et humour second degré, en opposant la mort de Johnny Cash à celle d’Elvis Presley, le titre démontre une fois de plus que les Wave Pictures, installés derrière une façade pop plutôt légère, demeurent capables à tout moment de faire craquer le vernis de compositions qui pourraient parfois paraître un peu convenues.
Sous ses faux airs d’adolescent mal dans sa peau, David se montre aussi espiègle que facétieux
Car la signature véritable des Wave Pictures, c’est cet inimitable côté pince sans rire, digne du Collège de Pataphysique, où le banal côtoie l’incongru, où la loufoquerie adoucie les sentiments les plus profonds, où l’absurde le plus corrosif tempère les amours éternellement contrariées. Sous ses faux airs d’adolescent mal dans sa peau, David se montre aussi espiègle que facétieux, et prend visiblement un malin plaisir à égrener ses historiettes tendrement décalées, souvent plus subtiles qu’elles ne veulent bien le laisser croire.
C’est le cas notamment de Stay Here and Take Care of the Chickens (dont le titre parle de lui-même), qui lance le dernier album Long Black Cars sur de bons rails, et qui fait que le concert de ce soir se poursuit sous les meilleurs auspices. Une instrumentation que l’on pourrait facilement attribuer à Calexico, mais une petite touche toute personnelle qui fait toute la différence, et qui fait jubiler les fans.
Le Point Ephémère semble soudain voler en éclats
Retour aux incontournables avec le très punchy Leave the Scene Behind, tiré d’Instant Coffee Baby, l’un des albums les plus marquant des Wave Pictures. Une guitare dans l’esprit des premiers morceaux punk des Cure (lorsque ceux-ci s’appelaient encore les Easy Cure) qui se termine par un solo plus Hendrixien, tandis qu’à la basse, Franic Rozycki se montre aussi indispensable qu’intransigeant, et le Point Ephémère semble soudain voler en éclats.
Mais, soufflant le chaud et le froid, les Wave Pictures enchaînent bientôt sur un impayable Sweatheart, parodie romantico folk totalement désopilante, qui finit tout de même par émouvoir, tant semblent sincères les sentiments des trois compères, qui jouent le jeu à fond. Le public se régale, et ce n’est pas fini. Nouvelle rupture dans le set. Dans la droite lignée des meilleures compositions des regrettés Ecossais de The Orange Juice (la cultissime mais trop méconnue formation d’Edwyn Collins dans les années 80), les Wave Pictures nous proposent une sautillante Little Surprise, qui précède un très prenant Come Home Tessa Buckman, terminant le concert sur une très belle note aigre-douce, proche parfois de l’ambiance portée à son paroxysme par Thom Yorke.
Les Wave Pictures ne pouvaient décidément pas partir ainsi. Trente secondes à peine après avoir quitté la scène, les voilà qui reviennent pour une version délibérément country de Canary Wharf, ultime baroude d’honneur explosif, et carrément explosé. Un grand moment de liesse collective dans ce Point Éphémère laissé sans dessus dessous par le départ, cette fois définitif, de nos trois Anglais. On aurait bien repris une petite tasse de thé en leur compagnie, mais bon, on se consolera à la maison le mois prochain avec leur dernière galette, le très fourmillant Long Black Cars.
LA SET LIST COMPLÈTE :
SUSAN RODE THE CYCLONE
ESKIMO KISS
IN HER KITCHEN
BEER IN THE BREAKERS
THE LONG BLACKS CARS
NOW YOU ARE PREGNANT
STAY HERE AND TAKE CARE OF THE CHICKENS
SEAGULLS
DESERT KILLER
LEAVE THE SCENE BEHIND
SWEETHEART
LITTLE SURPRISE
COME HOME TESSA BUCKMAN
:::
CANARY WHARF