Interview Renaud Monfourny @ Rock En Seine 2011
En ce dernier jour de Rock En Seine 2011, je me dirige vers le stand de Renaud Monfourny pour son exposition Rockfolio. Après Jean-Baptiste Mondino, Claude Gassian, Richard Bellia ou encore Philippe Levy, c’est au tour du photographe des Inrockuptibles de présenter ses oeuvres au coeur de la 9ème édition du festival. Le concert des La’s commence. Après dix minutes d’attente, je peux enfin m’entretenir avec le photographe. Il faut faire vite car beaucoup de gens attendent pour échanger avec Renaud Monfourny.
*** Les photos ne sont pas libres de droits /// All rights reserved ***
JR : Salut Renaud.
RM : Hello.
JR : Je souhaite faire un focus sur ton exposition ici à Rock En Seine.
RM : OK, mais qu’est ce que tu fais là, y’a les La’s qui jouent !
JR : Mais on entend très bien d’ici !
RM : Ça, c’est un bon groupe ! (sourire). Plaçons-nous derrière, on sera tranquille !
JR : Alors, je souhaite commencer par une question simple : tes plus beaux souvenirs avec les artistes ?
RM : C’est impossible de choisir car c’est selon le souvenir et l’humeur que je vais avoir. Je peux te raconter quatorze histoires différentes. Dans les moments exceptionnels, dans les rencontres humaines, il y a eu Leonard Cohen qui se passait en dehors de la promotion classique (attaché de presse, hôtel, 10 minutes, une demi-heure de séance). Avec un journaliste on s’est rendu dans sa maison à Los Angeles, on a frappé à sa porte, il était 9h du matin. On est parti à 4h du matin et on avait neuf heures d’interview, des photos en pagaille. Il a fait la bouffe, on a fait la vaisselle, on a vraiment partagé son quotidien.
JR : C’était la belle époque ?
RM : Ça ne s’est pas fait en un coup de fil. Le journaliste a couru longtemps après lui. Leonard Cohen a été dispo et super généreux. C’est tellement rare. Les gens s’imaginent toujours qu’on a le téléphone de Björk. En réalité, ce sont des rencontres très brèves et très informelles. Ça, c’est vraiment rare. Après, j’ai vécu des beaux moments qui duraient des fois une demi-heure mais celui-là c’était quand même énorme.
JR : Ça se passait en quelle année ?
RM : Si je ne dis pas de conneries, c’était en 1992…
« Lou Reed n’est pas très sympa mais, en même temps, il ne m’a jamais foutu son poing sur la gueule »
JR : Ton pire souvenir de séance photos ?
RM : Il y en a peut-être eu mais, en toute honnêteté, j’ai oublié les pires moments parce qu’il faut accepter les règles du jeux. Des fois, tu vas attendre 2/3 heures même si tu as un rendez-vous et la personne ne va peut être même pas vouloir faire la photo ou va être désagréable. Moi, je ne peux pas faire ma star… Tu m’as rencontré à la Flèche d’Or. Parfois, je vais à la Flèche d’Or pour faire des groupes inconnus. J’ai rendez-vous à 17h et je fais les photos à 18h. J’ai rendez-vous à 18h autre part. Ça me m’agace car j’ai autre chose à faire mais je sais que c’est comme ça, c’est normal quoi ! Je ne pourrais pas vraiment te dire les pires souvenirs. C’est un cliché de dire « Lou Reed n’est pas très sympa » mais, en même temps, il ne m’a jamais foutu son poing sur la gueule, tu vois ! (rires) Mais je l’ai vu se conduire comme un dégueulasse. J’avais assisté au séance de répétitions de la re-formation du Velvet en 1993. J’étais une journée dans une salle comme si j’étais à la Flèche d’Or. Il répétait, répétait. Il y avait quasiment que moi comme journaliste/photographe. Il appelait sa manageuse qui était aussi sa femme à l’époque. Il appelait Sylvia en claquant des doigts, elle arrivait avec ses petits talons. Il lui chuchotait à l’oreille et là, tu la voyais aller voir John Cale qui était à deux mètres en train de tenir la basse et elle lui disait un truc. C’est à dire que Lou Reed ne pouvait pas dire à John Cale les choses directement. Ils étaient tellement dans un conflit… Ça me glaçait le sang de voir qu’il avait une telle relation humaine avec les gens. Je dis ça parce que c’est quelqu’un dont je suis dingue de la musique et des mots.
JR : La fameuse différence entre l’artiste et l’humain…
RM : Voilà ! il faut faire la différence. Il ne faut pas être dupe. On rencontre des artistes et après, l’être humain, il peut être odieux ou super sympa, on s’en fout ! Il y a plein de groupes qui ne font pas de la bonne musique. Je suis sûr que les types sont très sympa et ils ne frappent pas leurs femmes et ils sont gentils avec leurs enfants. Ce sont deux choses différentes.
JR : Lou Reed, c’est un personnage angoissé et les drogues n’arrangeaient pas les choses...
RM : Ah mais c’est pire que ça ! Ses parents lui foutaient des électrochocs pour le soigner de je ne sais pas quoi ! (NDRL : pour le soigner de ses « tendances » homosexuelles selon ses parents). Peu importe… Lou Reed est froid, il n’est pas chaleureux mais j’ai fait des photos avec lui, il n’y avait pas de problème.
« Des murs un peu pourrave, ce sont mes fonds fétiches »
JR : Le fait de travailler pour les Inrockuptibles te permet de bénéficier d’une notoriété, non ?
RM : Non du tout. Quand il y avait encore des grosses maisons de disques puissantes, les attaché(e)s de presse faisaient le brief aux managers : « Là, c’est les Inrocks, ils veulent 1 heure d’interview, 30 minutes de séance photos ». Ça se fait encore peut-être un petit peu en ce moment mais il y a de moins en moins de longues interviews dans les Inrocks. Le tout, c’est d’établir un truc avec les artistes. Moi, il faut que j’ai ce dont j’ai envie. Le premier but, c’est de les faire sortir de là où ils sont pour trouver des murs un peu pourrave car ce sont mes fonds fétiches.
JR : Revenons à l’exposition, au niveau de l’organisation de Rockfolio, comment s’est passé le choix des photos ?
RM : On a fait deux ou trois réunions. Ils m’ont laissé complètement libre. Si tu veux une anecdote, elle n’est pas secrète : dans les choix, à un moment, il y avait Morrissey que j’ai enlevé suite à la demande de François Missonnier (NDLR : Fondateur et directeur de Rock En Seine). Il y en a cinquante que j’aurais voulu mettre. Par exemple, je suis hyper fan d’Adam Green, je l’ai pas mis. Jeff Buckley, qui est un mythe, il n’est pas là. On s’est très bien entendu avec François !
JR : Il y a pas mal de photos des groupes des années 90…
RM : J’ai mis la plus vielle photo quand j’ai commencé à faire des photos de musiciens en 87 et il y a la plus récente, c’est Anna Calvi. Il y a beaucoup de photos qui ont été faites dans les années 90/00. Un mix des époques (Iggy Pop, Patti Smith, Lou Reed,Elliott Smith, Sonic Youth, Kurt Cobain, Damon Albarn, The Libertines, Keren Ann, The Drums, Cat Power, Dum Dum Girls, The White Stripes…)
« Je suis hyper content du résultat »
JR : Bilan de l’exposition, heureux ?
RM : D’abord, je suis hyper content du résultat parce que c’est aussi la première fois que je fais faire les tirages. D’habitude, je fais tout moi-même, je fais mes petits tirages sur papier à l’ancienne. Et là, les négatifs ont été scannés. Je donnais mes indications pour les corrections et elles ont été tirées par un laboratoire. Je n’ai jamais fait ça et je suis très content du résultat, très content de la scénographie qu’on avait établie. Rien à redire ! (sourire)
JR : Pour finir, tes groupes préférés de cette saison ici à Rock en Seine à part The La’s ?
RM : J’ai pas vu les concerts mais je dirais Herman Düne, les Kills. Attends, laisse-moi voir le programme… Blonde Redhead tiens ! (rire)
JR : Merci Renaud !
RM : Merci à toi !
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